Et si nous osions parler de ce qui fâche ?

Les bienfaits de l’engueulade en entreprise

Les problématiques relationnelles en entreprise : une histoire d’eau !

 

Les émotions de colère, de peur, de ce qui relève de la frustration ou du sentiment d’injustice dans un groupe social font l’objet de nombreux proverbes.

Que l’on soit acteur du conflit, spectateur ou régulateur, ils ont un point commun : l’eau.

En voici un florilège :

  • J’en ai ras le bol
  • Jeter un pavé dans la marre
  • Nager en eaux troubles
  • Rechercher la source du conflit
  • Chacun apporte de l’eau à son moulin
  • Méfiez-vous de l’eau qui dort
  • Les petits ruisseaux font les grandes rivières
  • Ça bouillonne avant l’explosion
  • Je me suis pris la vague
  • Il l’a eu saumâtre
  • Nous nous sommes fait passer un savon
  • C’est une tempête dans un verre d’eau
  • Mettre de l’eau dans son vin
  • C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase !
  • Ne jetez pas le bébé avec l’eau du bain
  • Je me suis jetée à l’eau pour dire ce que j’avais sur le cœur
  • Tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin elle se brise

Ainsi, poussés par l’énergie vibrante de l’engueulade, nous évoluons entre différents états :

  • Eaux stagnantes, le statuquo
  • Eaux troubles, les non-dits
  • Eaux submersives, la libération de la parole
  • Eaux limpides, la clarification et la fluidité des relations

Le « Pour Quoi » et le « Comment » d’une engueulade réussie

Le « Pour Quoi » c’est l’intention et le résultat visé
Le « Comment » c’est ses conditions de réussite et ses points de vigilance

La « bonne » engueulade a ses bienfaits : rupture, disruption, changement ainsi que ses conditions de réussite et ses points de vigilance.

Chaque engueulade, bonne ou mauvaise, comporte un avant, un pendant et un après qui mêlent émotions, affects, egos, stratégies et parfois manipulations. 

Mal gérée, elle peut laisser des traces qu’il convient de « nettoyer » pour en recueillir tout le bénéfice potentiel.

Toute engueulade n’est pas « bonne » !

Quelles sont les conditions de réussite d’une « bonne engueulade » permettant d’en recueillir tous les bienfaits avec une sortie permettant à l’équipe de gagner à la fois en maturité et en performance ?

L’engueulade se doit d’être :

Vraie : authentique et sincère

Utile : à moi ou à l’équipe

Bienveillante : avec une intention positive pour le groupe ou pour moi

Si elle comporte la règle des « unités » du théâtre classique, elle n’en est que meilleure !

Unité de lieu / Unité de temps / Unité d’action

Dans le théâtre classique, cette règle a pour but de ne pas éparpiller l’attention du spectateur avec des détails comme le lieu ou la date, l’autorisant à se concentrer sur l’intrigue pour mieux le toucher (Source Wikipedia)

L’engueulade n’est-elle pas le miroir révélateur d’un dysfonctionnement dans l’équipe ou l’entreprise comme l’est le théâtre où spectateur comme acteur viennent chercher une réponse à la résolution d’une problématique ?

Une engueulade « calculée » ou stratégique ne correspond pas à ces conditions de réussite : elle sonne faux et a moins d’effets.

Une « bonne engueulade » est spontanée, avec les bonnes personnes au bon moment et au bon endroit d’où ma référence aux règles du théâtre classique.

Spontanée ne veut pas dire impulsive : pas de réponse au tac-au-tac, ni d’insultes ou de sarcasme qui vexent et ajoutent à la guerre des egos.

L’engueulade se doit de rester fidèle avec son intention : faire évoluer une situation qui ne convient pas en construisant un nouvel équilibre.

C’est pour ces motifs que l’engueulade ne peut pas être un outil de management

Confrontation – Oui / Pugilat – Non !

 

Le clash du parler cash n’est pas toujours bienvenu même s’il est authentique : 

Tout dépend de la culture de l’entreprise et de la personnalité de son CODIR.

Pas d’éléphant dans les magasins de porcelaine !

Une entreprise avec des salariés engagés dans le « tous pour un, un pour tous » s’accommode des écarts de langage et des portes qui claquent puisque fondamentalement ils s’aiment bien et fonctionnent à la manière du village gaulois d’Astérix.

Le même clash dans une entreprise axée sur la procédure aurait des conséquences importantes sur la cohésion et la dynamique de l’équipe (droit de retrait, clause de réserve, etc.)

Une bonne engueulade a aussi ses règles de bienséance pour être audible du groupe et constructive.

  • Pas d’attaque sur la personne mais sur ses comportements inadéquats, c’est-à-dire séparer les personnes des problèmes
  • Laisser une issue pour qu’un après reste possible
  • Persuader sans humilier
  • Viser la concertation

Il y a lieu d’éviter que les participants se sentent pris dans le triangle dramatique bourreau – sauveur – victime. Les clans des pour ou des contres pourraient se former, certains se sentiraient « bouc émissaires », d’autres « manipulés », etc.

Si l’équipe se reconstruit « pareil », l’engueulade n’aura servi qu’à amplifier le malaise. Dans tous ces cas de figure, l’engueulade ne débouche sur rien de constructif pour l’équipe.

La libération de cette énergie tempétueuse est une bonne opportunité de sortir du
statuquo de « l’eau qui dort » propice aux messes basses et aux rumeurs, pour retrouver un nouvel équilibre relationnel orienté vers la performance et le renforcement des liens.

Une engueulade réussie est « SMART »

Spécifique : en lien direct avec le travail ou le comportement.

Mesurable et mesurée : dosée et adaptée.

Acceptable : respectueuse de la personne.

Réaliste : adaptée aux compétences, aux moyens de la personne et/ou de l’équipe.

Temporellement définie : délimitée dans le temps

Quand la goutte fait déborder le vase, où portez-vous votre attention ?

Vous avez le choix de vous préoccuper de la goutte c’est-à-dire de faire sauter le fusible, la personne qui dérange l’ordre établi.

Régler le problème de la goutte revient à aménager une pratique.

Dans ce cas vous améliorez le système existant au risque de le voir à nouveau déborder à la prochaine goutte…

En coaching nous appelons cela un changement de type 1.

Par exemple :

Marie se considère « droite dans ses bottes » et « fière de ses convictions ».
Très motivée dans son travail, elle se donne à fond et… dit ce qu’elle pense aussi bien à son équipe qu’à sa hiérarchie.
Les autres se rangent derrière elle et à la fin, c’est elle qui se prend la vague et qui est mal évaluée.

Pour régler le problème, sa hiérarchie a pris en charge le coaching de Marie pour qu’elle améliore son relationnel.

Marie en réussissant son coaching va changer de comportement.

Quand une nouvelle Marie prendra le relai pour « critiquer » le fonctionnement ou les objectifs de l’équipe, un nouveau problème de goutte se posera et la problématique débordement refera surface…

Si le vase n’avait pas été plein, quel aurait été l’effet de la goutte ?

S’occuper du vase et de son contenu revient à changer de paradigme.

Nous appelons cela en coaching : un changement de type 2.

C’est là que la confrontation devient un élément de performance pour l’entreprise.

Elle permet de détecter les problèmes qui freinent la dynamique d’équipe

Elle autorise les non-dits à s’exprimer

Elle peut inciter à repenser l’organisation ou clarifier les méthodes de travail

Et à son issue, elle permet de remobiliser l’équipe qui est sortie grandie du conflit et de renforcer sa cohésion : ce qui ne tue pas, rend plus fort !

Les croyances correspondent à la question « pourquoi ? »

Beaucoup de choses se jouent ici et ce n’est pas une mince affaire la plupart du temps        !

Par exemple : Le clash d’Antoine 

 

Antoine a l’air flegmatique. Il s’est construit un personnage de grand calme alors que perfectionniste, il prend sur lui pour accepter les imprécisions de son équipe.

Il a fini par croire au personnage qu’il joue.

Un jour, sous la pression d’une proposition à rendre, il explose ou plus exactement « implose » et tombe le masque. Son équipe est sidérée.

Antoine a le choix : vivre un changement incrémental (type 1) ou structurel (type 2).

Il peut choisir de continuer à prendre encore plus sur lui et changer pour un poste moins soumis à la pression extérieure.

Il peut aussi s’orienter vers un coaching pour recadrer ce driver « Sois parfait » qui motive ses comportements et baisser sa pression intérieure, trouver son alignement tout en développant son Moi.

C’est ce que nous appelons un changement de type 2.

Et si tout garder pour soi était le terreau du mal-être en entreprise ?

S’engueuler c’est ne plus avoir peur du désaccord car la confiance permet d’exprimer ses ressentis et les confrontations deviennent « constructives » puisqu’il s’agit de cheminer ensemble vers une solution.

L’apport du coach d’équipe : mettre le holà et… avancer

C’est-à-dire permettre de grandir en proposant une régulation

Et maintenant qu’on s’est bien pris la tête, comment débloquer la situation ?

Était-ce mieux avant ? Comment reconstruire autrement après ?

Si le carburant de la cohésion est la confiance, le carburant du conflit est souvent la confusion. En levant les confusions, la confiance reviendra et la performance aussi.

Une dispute entre deux personnes peut avoir des effets systémiques sur l’ensemble du groupe voire de l’entreprise jusqu’à des répercussions sur ses relations avec ses clients.

C’est cela qu’il convient de « nettoyer » factuellement et émotionnellement pour ne garder que le positif de l’engueulade.

C’est sur ces points qu’une régulation animée par un coach prend toute sa place. Son intervention permet à l’équipe de profiter de cette disruption pour co-construire ensemble un équilibre différent. Le coach va accompagner l’équipe dans la modélisation de ce que la résolution de la situation conflictuelle lui a appris d’elle.

La régulation se fait avec l’accord préalable des protagonistes.

Elle se passe devant le groupe.

Le coach, extérieur, neutre et sans lien de hiérarchie, pose et fait respecter le cadre de la régulation dans le but de « rétablir » la confiance.

En levant les confusions et dépassant les clivages son but est que le groupe trouve des points d’accord sur ce qu’ils veulent et ce dont ils ne veulent plus (intégrateurs positifs et négatifs). Il incarne un comportement-cible dépassionné incitant le groupe à une prise de hauteur et de recul.

Le coach libère la parole sur les faits et leurs ressentis dans un partage de représentation de chacun des protagonistes et des membres du groupe, puis sur ce que chacun propose pour dépasser la situation.

Il facilite l’expression des besoins de chacun, distribue la parole de façon à ce que chacun s’exprime dans la co-construction de solutions, reformule pour amener l’adhésion jusqu’à une phase d’engagement avec une modélisation de la solution qui constituera la base de nouvelles règles.

C’est par la co-construction des nouvelles règles que le groupe retrouvera la confiance et la volonté de réussir ensemble. 

Réussir ensemble à dépasser le conflit place le groupe dans une dynamique de progrès et le fait gagner en maturité.

Auteure de l’article

Sylvie Grimblat

Sylvie Grimblat

Coach professionnelle

Sylvie Grimblat pratique le coaching de la prise de parole depuis 10 ans et le coaching professionnel depuis 4 ans.  > Son profil sur My Perso Coach !

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